Le rapport harmonique entre l’Orient et l’Occident

Cher Thanh Thiên,

S’il vous est venu le mot « chaleur » à mon approche, c’est à l’ombre de notre chêne celui de « fraîcheur » qui m’est apparu en vous écoutant, vos gestes accompagnant vos mots comme l’ébauche des figures que votre art de l’Aïkido vous eût dictées. Le chêne pédonculé était devenu « notre » dojo…

Je ne saurais aussi rapidement vous écrire ce que m’enseigne  « Le voyage d’un maître » que vous m’avez confié. J’aurais tout à y apprendre si j’avais l’âge des commencements, mais je suis plus proche de celui des « finitions », et le mot n’est pas triste s’il indique qu’un ouvrage aspire à son plus bel achèvement… 

Me reste à découvrir le rapport harmonique que vous explorez entre l’Orient et l’Occident. J’y pressens pour moi-même une leçon fondatrice que je ne pourrai esquiver.

Je vous écrirai donc, et plus longuement, lorsque j’y aurai si Dieu veut pénétré.

Très amicalement

vôtre

Luc de Goustine

Journaliste, dramaturge, acteur, traducteur

Souvenirs et réflexions de Maroteaux senseï

Cher M. Nguyen Thanh Thien,

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu l’intégralité de votre ouvrage.

Vous avez su analyser comme il se doit l’homme exceptionnel que fut Masamichi Noro sensei.

J’ai retrouvé au fil de certaines pages les moments privilégiés que j’avais avec lui, lorsqu’il m’invitait à boire un café proche du dojo rue des petits hôtels à chaque fois que j’arrivais en retard (qui peut arriver à l’heure à Paris ?) et que nous échangions verbalement sur des sujets les plus variés (Philosophie, religion, arts martiaux, stabilité du corps, etc.).

C’est ainsi que j’appris énormément à son contact. Jamais, je n’oublierai les heures bénéfiques passées en son agréable compagnie.

Votre ouvrage m’a rappelé nombre de souvenirs vécus à ses côtés, lorsque je l’invitais dans mon dojo parisien ainsi que Masami Takegaki, que je l’accompagnais lors de quelques stages effectués dans l’Est de la France et le matin lorsqu’il me « triturait » les poignets de sa technique favorite Nikkyo.

Que de souvenirs – qu’il m’arrive parfois de conter à mes élèves – sur des sujets les plus variés, car il était cet ouvert, en quête de lui-même peut-être.

Merci, d’avoir su parler de lui comme vous l’avez fait dans ce remarquable ouvrage, avec les mots assortis à cette réalité qui le caractérisait.

Je me souviens que des années après l’avoir quitté (pas pour les raisons que vous évoquez concernant mes camarades d’alors, mais tout simplement parce que son enseignement s’éloignait progressivement de ce que j’attendais de l’aïkido tel il me l’avait révélé et que je n’ai jamais retrouvé chez d’autres), qu’il me téléphona pour m’encourager à continuer dans la voie que j’avais prise. C’est ainsi que je sus – et qui me fut confirmé par d’autres experts avec qui il s’entretenait – qu’il me suivait de loin dans mes activités. Des années plus tard, dans mes songes et rêves, il me conseillait encore…

Comment ne pas aimer un tel homme dont je me suis inspiré – autant que faire se peut – dans ma manière d’enseigner aujourd’hui.

Encore merci, pour ce « Voyage d’un Maître » qui figure en bonne place dans ma bibliothèque d’arts martiaux (+ de mille livres).

Pour vous remercier de ce complément qui me manquait, et de certaines anecdotes que je connaissais, je vous fais parvenir un de mes livres « Les Maîtres qui m’ont appris » dans lequel je lui consacre plusieurs pages ainsi qu’un exemplaire de la revue « Aïkigoshindo Kaishi »  que mon association édite depuis 1988 dans laquelle nous lui avons consacré deux pages lors de sa disparition en 2013 dont Odile Noro nous a accusé réception. 

 Voilà en quelques mots qui viennent du cœur, mes impressions et mes pensées après cette lecture si généreuse qu’est votre œuvre de l’esprit.

Il me serait agréable de consacrer un extrait sur une page de celui-ci dans ma prochaine revue N°90 qui sortira en décembre.

Pourriez-vous me faire parvenir SVP une photo d’identité. Ainsi nos lecteurs que sont nos adhérents sauront qu’un nouveau livre est paru sur ce sensei que fut l’honorable Masamichi Noro.

Au même titre qu’il me serait agréable de vous rencontrer un jour et avoir un échange de vues au sujet de ce grand homme, moi, à l’époque où il était Yang et vous, bien plus longtemps, lorsqu’il était Yin. N’était-il pas en fin de compte entre les deux ?

Avec  mes cordiales salutations

Roland J. MAROTEAUX senseï, Hanshi & So-shihan, Takeda-ryu Maroto-ha

Souvenirs et réflexions de Joseph senseï

6 août 2022

NORO Masamichi

Souvenirs…

Avant toutes choses, quelques mots sur mon (modeste !) parcours dans les arts martiaux.

J’ai commencé par le Judo (et le Jiu Jitsu « classique »), à dix-huit ans, dans l’intention bien arrêtée de devenir plus efficace en combat réel. C’était dans le but de pouvoir mieux protéger les victimes potentielles des prédateurs de toutes sortes, chose que j’avais entreprise lors de ma scolarité, ne pouvant pas accepter les injustices (harcèlement, brutalité, etc.). J’avais acquis une certaine expérience fort utile mais aussi constaté les limites de celle-ci. D’où, en conséquence, ma décision d’étudier les arts martiaux.

Mais, là aussi, certaines limites sont apparues et quand l’opportunité s’est présentée à l’occasion de la création d’une section Aïkido au sein de mon club d’appartenance (le Cercle de Judo Orléanais) d’étoffer mes connaissances, je ne l’ai pas manquée !

Cette section était menée par deux professeurs, élèves directs de NORO Masamichi dont ils allaient suivre l’enseignement à Paris. Nous étions une poignée de pratiquants et, à partir du 2ème Kyu (6 décembre 1966), sur leur proposition, nous sommes allés, le plus souvent possible, à l’Aïkikaï de Paris (4 rue Constance, derrière le Moulin Rouge) suivre les cours de NORO Senseï.

Accessoirement, j’ai poursuivi mes recherches et, par la suite, complété mes connaissances par le Karaté (Shotokaï puis Shotokan), le Viet Vo Dao, le Kendo et, même, la boxe anglaise, la Savate boxe française, la lutte libre, le Sambo russe, etc.

Pour revenir à Maître NORO, nous avons immédiatement été impressionnés (le mot est faible) par son aura, sa puissance incroyable, sa vitesse, et nous avons compris que l’Aïkido était un art hors du commun.

Sauf erreur, à la suite de son terrible accident, il avait, comme souvent au Japon, changé son prénom, de Masamitsu en Masamichi, considérant sans doute qu’étant passé près de la mort, il commençait une nouvelle vie…

Nous avons pratiqué aussi assidûment que possible (nous habitions et travaillions à Orléans) en venant à Paris, à trois ou quatre, tous les week-ends et lors de stage (vacances de Pâques, par exemple) et NORO Senseï nous a, de lui-même et sans examen spécifique, décernés nos grades (jusqu’au 2ème Dan) au fil des ans.

Je me souviens, en particulier, d’un stage de Pâques, sous sa direction (en hakama blanc), avec la présence et l’intervention d’un nombre exceptionnel de grands experts (pratiquement les délégués de l’Aïkikaï, pour tous les pays d’Europe), à savoir les Maîtres Asaï, Chiba, Nakazono, Tada, Tamura, Toheï et (il me semble) Yamada, excusez du peu…avec André NOCQUET, en spectateur.

Nous avons, par ailleurs, cotoyé, à Paris, des pratiquants connus : Gérard MAJAX (le magicien), Roland MAROTEAUX (qui a créé sa propre méthode depuis…), Michel BECART, etc.

Nos professeurs ayant dû cesser d’enseigner pour des raisons professionnelles, nous avons, tout naturellement, pris le relais et enseigné dans différents dojos de la région orléanaise (lorsqu’un Brevet d’Etat option Aïkido a été créé nous l’avons obtenu automatiquement, par équivalence).

C’est alors que nous avons constaté, avec regret et un peu de déception, l’évolution de l’art de NORO Senseï, du Yang (Yo) vers le Yin (In), comme vous le définissez.

En effet, l’aspect dynamique et efficace (surtout pour moi, voir supra) de la pratique initiale était essentiel pour nous et, à notre grand regret, nous avons pris un peu de distance avec l’enseignement de NORO Senseï. Nous avons bien tenté d’en parler avec lui mais sans résultat. Il comprenait notre point de vue mais…Nous sommes resté en excellent terme avec lui, bien entendu. Nous percevions ce qui allait devenir le Ki No Michi comme une sorte de « cocktail » (ce n’est pas péjoratif !) de Taï Chi Chuan, de Yoga et de stretching, bien loin de l’Art Martial qui nous avait séduit. Nous avons poursuivi l’Aïki avec d’autres (TAMURA Nobuyoshi notamment) mais sans retrouver, quelle que soit leur valeur, les mêmes sensations ni la même dimension.

Pour conclure, à titre personnel et sans vouloir en faire une méthode, j’étais parvenu à réaliser une sorte de synthèse des techniques de combat les plus efficaces (pour moi du moins), une sorte de Krav Maga avant l’heure…ce qui a été fort utile pour protéger de possibles victimes (et moi-même, personne ne m’ayant jamais battu en combat réel). Maintenant, la vie professionnelle m’a obligé à cesser l’enseignement, et même la pratique. J’ai vieilli mais ça fonctionne toujours, apparemment et, à notre époque, ce n’est pas négligeable.

La rencontre avec Maître NORO restera inoubliable quels qu’aient été ses choix et notre admiration restera éternelle.

                                                                           Jean-Charles JOSEPH senseï

Le cercle et son extension

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« De la Nature et de ses puissances, nous empruntons la force. À examiner les maîtres, nous découvrons le passage du Souffle. À considérer le Monde et ses habitants, nous envisageons la restitution de l’emprunt que nous avons contracté. Tout est dans ce cercle.
À chaque courbe de la technique, je vois un centre logé ici ou là, proche ou lointain. Si une technique est une suite de courbes multiples, alors elle est tout autant une série de centres et de rayons. Noro senseï dirigeait notre attention vers le cercle et son extension, la spirale. Il aimait les voir dans les innombrables manifestations du Vivant et en retour sentir le Vivant dans chaque partie de son art. » Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre, p213 Photographie de Nguyen Thanh Thiên.

Initiation

« Noro Masamichi senseï a dispensé un enseignement particulier qui procédait par initiation. Cette pratique m’a parfois irrité car trop souvent j’ai vu accolé à cette façon de transmettre, une imprécision, une incapacité à clarifier, une propension à voiler le sens et l’origine de la connaissance. Toutefois, il avançait fidèle à son maître. Lui qui avait étudié son maître dans l’exemple donné chaque jour en cours et hors cours, dans le dojo et hors dojo, il nous transmettait à son tour par l’exemple. Il nous dévoilait sa maîtrise par le geste, l’attitude, un regard. Chez le maître, point d’explication, de complexité, d’exposition des hypothèses et des préambules. Noro senseï enseignait comme son maître avant lui. Il nous dévoilait la chose nue. On ne dévoile qu’une fois, c’est l’initiation. Il revient à chacun ensuite de faire son miel de la vision entr’aperçue. » Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre, p205

Volution

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« La volution, prolongement sur une spirale, est un écho de cette intuition première, elle est aussi la proposition de Noro Masamichi senseï, la restitution de sa vision de l’art de son maître. Il y a une profondeur à cette image que Noro Masamichi senseï n’avait de cesse de nous appeler à examiner.
J’emprunte au violon cette image car je conçois que l’art est le devenir de la technique. » Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre, p27. Photographie de Nguyen Thanh Thiên 2018 Mamiya C220 6×6 80mm f2.8 1/60′ Ilford HP5

Le rite est ce qui rend visible

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« Le Maître a dit : « L’essentiel est le plaisir que nous offrons à l’autre. » Le rite est ce qui rend visible ce cœur, ce qui dirige sûrement nos actes, ce qui donne la juste mesure à nos appétits. Il est poésie au sens où rien ne peut lui être ajouté, ni enlevé. Il est à la fois sobriété et générosité, promesse de don et don lui-même. Il est ce qui nous permet de frapper à une porte inconnue et d’être reçu comme le prophète Élie en personne, comme un Zeus sous cape, comme un apatride qui se trouve un nouveau frère. » Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre, p113. Photographie de Nguyen Thanh Thiên 2018

En librairie

« Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre » est en vente à l’excellente librairie Millepages 91 rue de Fontenay à Vincennes. Je remercie Pascal Thuot pour son accueil. Cela fait 25 ans que j’y cultive ma curiosité. Quand j’y ai vu mon livre dans le rayonnage, en bonne compagnie, j’ai senti que le texte prenait le large et voguait vers de nouveaux horizons à la rencontre de votre lecture. J’ai senti comme une émotion.

Le site de la librairie : http://www.millepages.fr/

Fétichisme matérialiste

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« Mon livre n’est pas conçu à la gloire de Noro Masamichi en tant que personne. Il est destiné à approfondir l’étude de son enseignement. À ce titre, je pouvais aussi multiplier les images de techniques, mais là encore je souhaitais éviter un écueil qui serait de verser dans le « fétichisme matérialiste ». L’art du Maître est plus qu’une collection de clés et de projections. Il est un art, aussi vaste que n’importe quel art, jaloux de sa liberté, rugueux quand on le tutoie. Il est fondé sur l’observation de la Nature, manifestée par ses forces et ses splendeurs. Pour saisir l’esprit du Maître – par Maître, j’entends la chaîne des maîtres qui a trouvé en Noro Masamichi son maillon actuel -, il faut suivre son regard et Noro senseï regardait l’arbre, le Ciel immense et profond, la pousse neuve au jardin.
…Noro senseï nous enjoignait d’agrandir notre espace, de l’occuper pour le faire vivre, avec l’autre. Cet autre, il le voyait multiple comme les images apposées sur les murs de son dojo. Son espace de pratique et d’étude, il le situait entre le portrait de Ueshiba Moriheï senseï et une calligraphie de sa main, un tableau de paysage de montagnes et d’eaux et un autre d’une cavalcade de chevaux. » Le voyage d’un maître, entre Ciel et Terre, p211-212. Photographie de Nguyen Thanh Thiên 2016